2010-01-20 - Stryper - Palais de Congrès - Bienne




Lancer de bibles et pluie
de décibels
Le public
biennois a réservé un accueil plus qu’enthousiaste aux musiciens de Stryper,
qui fêtaient un quart de siècle de carrière.
Dans une
salle où les concerts rock se font aussi rares que les cheveux d'Elton John,
quelque 850 pèlerins quarantenaires étaient présents pour une soirée placée
sous le signe des eighties. Il est loin le temps où Ted Nugent, Blue Öyster
Cult, Uriah Heep, Magnum ou encore Krokus hantaient le Palais des Congrès.
Stryper, fer de lance du heavy metal à coloration évangélique, fêtait ses 25
ans de vocation missionnaire. En effet, Stryper est au «white metal» ce que
Deicide est au «death metal» et Venom au «black metal»: un groupe représentant
une branche de la grande famille du heavy metal, d'obédience religieuse, dont
le message importe davantage que la dimension musicale. Les résidents d'Orange
County n'ont d'ailleurs laissé planer aucun doute sur leurs intentions.
Avant
même le début du concert, le batteur Robert Sweet et le guitariste Oz Fox ont
fait une apparition sur scène pour lancer quelques bibles dans le public,
marquant leur territoire : « Nous ne sommes ici que pour une seule raison:
Jésus-Christ!» Quelques minutes plus tard, les amplis Marshall crachent les
premières notes de «Soldiers under command», un titre de la première heure. Les
quatre membres originaux du combo, attendus comme le messie depuis leur dernier
passage en Suisse en 1993, ont fière allure dans leurs costumes d'époque aux
rayures noires et jaunes. Les bougres n'ont pas pris une ride. Michael Sweet,
sorte de version sanctifiée de Nikki Sixx, affiche une forme olympique malgré
ses quarante-sept hivers : tous biscoteaux dehors et très en voix, il se démène
comme un beau diable non sans torturer sa Flying V. Les titres s'enchaînent à
un rythme d'enfer. Les nouveaux morceaux («Eclipse of the son», «4 leaf clover»
ou encore «Peace of mind», une reprise de Boston) font mouche. Si le style
prôné par les Californiens est tout à fait passé de mode, il n'en demeure pas
moins d'une efficacité redoutable. Les soli harmoniques à deux guitares doivent
beaucoup à Queensrÿche et les riffs plombés aux pionniers de la new wave of
British heavy metal. D'ailleurs, à la surprise générale, les saints hardeux se
fendent d'une reprise de «Breaking the law» de Judas Priest. Damned! Ils vont
jusqu'à enchaîner avec l'intro de «The trooper» d'Iron Maiden. Le public
apprécie moyennement. Quelques «ouuuuh» se font même entendre dans la salle
stupéfiée. Provocation ? Plaisanterie ? Hommage ? Probablement un peu de tout
ça.
Il faut
dire que dans l'après-midi, lors d'une brève conférence de presse, Michael
Sweet n'a pas caché ses racines musicales: «J'ai grandi en écoutant Creedence
Clearwater Revival, Cheap Trick, Boston, Bad Company, Aerosmith, Van Halen,
Scorpions, Journey, Iron Maiden et Judas Priest. Tous les groupes qui avaient
un excellent chanteur doublé d'un excellent guitariste me branchaient.» Et Oz
Fox de surenchérir : «Quant à moi, j'ajouterais UFO, Ozzy Osbourne avec Randy
Rhoads et Black Sabbath.» Stryper qui paie un tribut à Black Sabbath, c'est
osé. Un peu comme si Benoît XVI louait les mérites d'Aleister Crowley.
Remarquez, tout est possible : la reine d'Angleterre a même anobli Mick Jagger.
Entre
deux refrains à tue-tête, Michael Sweet s'empare du micro pour entonner
«Honestly», ballade sirupeuse qui avait intégré le Top20 américain en 1986. Les
amoureux s'enlacent, les natels ont remplacé les briquets. Parenthèse fermée et
retour fracassant à des riffs que n'auraient pas renié Megadeth. Le son est
assourdissant. Un Vaudois grimaçant souffre visiblement du niveau sonore, qui
doit allègrement passer la barre des cent décibels autorisés. On se souvient
alors de ces paroles de l'apôtre Lemmy de Motörhead: «Si c'est trop fort, c'est
que t'es trop vieux!» Reste à savoir pour quelle raison le dernier disque de
Stryper ne s'est vendu qu'à deux cents unités en Suisse. Les chrétiens
auraient-ils succombé à la tentation du téléchargement illégal ?
